Entretien avec Nathalie Papin
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Entretien avec Nathalie Papin

Entretien avec Nathalie Papin, “marraine” de l’édition 2018 du 1er juin des écritures théâtrales jeunesse.

Autrice référente dans le domaine des écritures théâtrales jeunesse, tu as accepté cette année d’être la marraine de l’édition 2018 du 1er juin des écritures théâtrales jeunesse. Quelles sont les raisons qui t’ont poussé à accepter cette mission et que représente pour toi le 1er juin ?

J’ai une croyance tenace en ce que l’écriture théâtrale jeunesse génère de puissance d’inspiration, d’obligation de vérité de soi, de plongées vertigineuses, de rebond joyeux, ou, quand il n’y en a pas, est capable de créer un édifice d’enfance pour s’y ressourcer toute sa vie.
L’enfance n’a pas un début et une fin, elle se refait incessamment à chaque expérience de vie.
Elle est inépuisable quand l’écriture s’en mêle.
Elle est impitoyable quand le théâtre s’en mêle et renforce cette parole qui se refait à chaque fois.
J’ai accepté cette mission par reconnaissance, à tout ceux qui soutiennent, portent, nourrissent cette ambition. Et parce que j’aime être en lien avec les intelligences des enfants et le partager.
Il se trouve que ça a lieu par l’écriture théâtrale.
Alors évidemment, c’est une mission que je prends au sérieux comme un enfant.

Mais pourquoi Le livre ? Le livre de théâtre ? Pourquoi ?

Réponse à un enfant insistant :

C’est un passe-partout du théâtre.
Un passe-partout est une clef qui te permet d’ouvrir toutes les portes du théâtre.
Tu le sors de ta poche, tu le lis, tu pousses trois tables, tu tires les rideaux et voilà le théâtre est là.
Tu peux le recevoir par la poste ou l’envoyer à quelqu’un.
Un jour, tu as des nouvelles d’une pièce qui a atterri tu ne sais pas comment en Nouvelle-Calédonie ou en Haïti. Et ça se joue dans la brousse.
Parfois, je dis aux enfants que mes pièces sont meilleures que moi.
Je leur dis que si je pensais le contraire, j’arriverais avant mes livres. Alors qu’en général, j’arrive après.
Et puis, un livre de théâtre peut rester dans la bibliothèque d’un metteur en scène pendant dix ans.
C’est fait pour ça. Ça attend pour toi, ces livres-là et pendant ce temps tu en lis ou en tu écris d’autres.
Dans ma bibliothèque, j’en ai plein.
Je ne peux pas ne pas lire le théâtre des autres.
J’ai besoin de savoir comment les autres mettent en parole le monde.
Je ne peux pas aller souvent à Moscou ou à Lisbonne ou ailleurs alors je lis le théâtre des auteurs russes et portugais et autres. Tout ces gens qui traduisent, il faut bien qu’ils aient des livres entre les mains !
Même à Lille, je ne peux pas toujours faire trois heures de train pour aller voir la mise en scène qu’un écrivain de théâtre jeunesse que je ne connais pas a écrit et dont on parle beaucoup.
Alors, je le lis.
Si je peux aller à Moscou ou à Lisbonne ou à Lille voir une pièce de théâtre et que j’ai vraiment aimé je peux revenir avec le livre pour le relire et le lire à d’autres. Et s’il n’y a pas de textes, il y a des écrits autour de cette pièce.
Bien sûr, il y a les vidéos et internet.
Même avec cela, on finit toujours par écrire avant ou après la scène.
J’en achète. J’aime bien. Je me dis que celui ou celle qui a écrit cette pièce va gagner 70 centimes. C’est vraiment peu.
Alors, j’en achète pas mal. J’en ai plusieurs centaines dans ma bibliothèque.
Et, l’éditeur et l’auteur doivent réfléchir à une augmentation des ventes.
Parfois, ça marche. Tu arrives à 50 000 ou 60 000 exemplaires. Parfois plus.

J’ai trois étagères pour le théâtre contemporain jeunesse : devant moi (face à mon bureau) sur le mur de gauche qui donne sur le jardin.
Certains livres de théâtre, les classiques, sont dans mon dos quand j’écris et j’aime bien.
Les morts sont aussi dans mon dos, Maeterlinck, Artaud, Lagarce etc.
Même ceux qui ont fait du théâtre sans mots ont fait des livres : je les ai, Jo Ann Endicott, Kantor, etc.
Les contemporains sont devant moi, sur le côté.
Shakespeare est derrière mais au milieu.
J’en relis certains souvent, comme Je m’appelle Non de Liliane Atlan.
Le théâtre jeunesse n’est jamais dans mon dos, quoiqu’il arrive.
Tout ceci, s’appelle un répertoire. Un répertoire est fait pour en créer d’autres.

Si tu n’as que ta tête pour faire du théâtre parce que tu es seul, tu es loin d’une ville ou si tu habites une ville et que personne autour de toi ne connait de théâtre, tu peux juste ouvrir le livre, et un jour tu entreras dans un théâtre.
Si un livre de théâtre pouvait parler, il dirait que ce qu’il préfère c’est : être raturé, annoté, élimé, à force d’avoir été travaillé, jeté sur la scène.
Et quand il est oublié, dans une loge, au fond d’une poche… et que ses mots sont articulés de telle manière qu’il a l’impression de les découvrir : c’est bon, il a fini son travail.
Il y a des gens qui font du théâtre sans les livres de théâtre bien sûr et même parfois sans les livres du tout ou avec d’autres livres comme des essais sur l’architecture.
Ils lisent autre chose.
Et ça va très bien.

Si Duras avait écrit Pluie d’été en 2018, il serait publié dans une collection jeunesse.
Ce livre est dans une étagère spéciale. L’étagère Duras.

Qu’est-ce qui pourrait pour toi aujourd’hui contribuer à une meilleure (re)connaissance des textes de théâtre jeunesse ? Et si tu avais un vœu en la matière, quel serait-il ?

Continuer.
Faire ce que nous faisons là. Et aller encore plus loin.
Garder aussi ce défi vertigineux de s’adresser à l’enfance sans réserve avec une exigence toujours renouvelée.
Et continuer à produire des œuvres époustouflantes, dérangeantes, pas trop sages, un peu sages, prodigieuses, étonnantes, éblouissantes de poésie et recommencer…

Et si j’avais un seul vœu, ce serait de voir un jour, je l’ai déjà dit, des productions qui dépasseraient en temps et en espace ce que nous voyons déjà pour la jeunesse.
Par exemple, et ce n’est qu’un exemple symbolique, une œuvre jeunesse dans la Cour d’honneur du Palais des papes à Avignon.

Un défi supplémentaire donné à cette cour qui n’a pas encore tout vu.


Photo : La petite fabrique