Le texte du 1er juin 2020

A tous ceux qui attendent le 1er juin

Texte d'ouverture de l'édition 2020 du 1er juin des écritures théâtrales jeunesse

Ecrit par Suzanne Lebeau, marraine de cette sixième édition, ce texte est destiné à être lu en ouverture de chaque événement.

" Oui, c’est aujourd’hui, le 1er juin.

Cet étrange 1er juin, qui était il y a à peine cinq ans

Une date parmi tant d’autres.

Une date qui sent l’été, l’euphorie des jours chauds, la promesse des vacances…

Un jour est né le 1er juin des écritures théâtrales jeunesse.

Et la date est devenue un repère.

Il y a maintenant avant et après le premier juin.

L’avant est devenu un moment d’excitation intense,

Qui rassemble adultes et enfants, écoles et familles

Dans la France et ailleurs dans le monde.

Les animateurs, les acteurs, les enseignants, les parents, les enfants

Cherchent des textes passionnément,

Des textes, des histoires, des personnages, des émotions.

Le partage d’énergies est démesuré,

Le plaisir est contagieux…

Tous les plaisirs.

Celui de faire vibrer les mots à voix haute,

D’explorer les loges les coulisses, les plateaux

Des théâtres petits et grands, des cours d’école, des places publiques,

Des trottoirs s’il le faut

De tous ces lieux où le théâtre a su s’installer

Au cours des siècles.

Le 1er juin… le trac est là, inévitable : il fait grandir plus que nature…

L’excitation à son comble, le rouge aux joues, la peur au ventre…

Et même la panique parfois.

Le costume qui se déchire.

Le texte qui s’oublie… se rattrape à peine différent mais compris.

La noirceur s'installe entre le spectateur et son double…

Celui qui attend de reconnaître sa souffrance, sa lâcheté

Ses rêves de grandeur ou d'une vie meilleure

Son indifférence

Ses peurs et ses envies.

Ils sont là, attentifs, ceux qui écoutent, partagent, pleurent, rient à gorge déployée.

Ils aiment, détestent, s’ennuient, applaudissent à tout rompre.

Les spectateurs, hommes et femmes

Les adultes et les enfants,

Ils sont là en chair et en os.

Ils respirent à l’unisson et font d’une petite heure un moment unique

Qui s’inscrit dans l’âme et la mémoire.

Le 1er juin, c’est ça.

Être la première et la dernière fois chaque année

De cet art qui ne ressemble à rien d’autre qu’est le THÉÂTRE.

Parole et mouvement

Ombres et lumières

Musique et silence

Scène et salle.

2020.

On ne frappera pas les trois coups cette année.

On les entendra dans le silence... qui s’est fait sur nos scènes.

Cette année, nous n’avons pas pu nous retrouver

Pour l’excitation nécessaire à la préparation.

Nous étions isolés

Confinés

Esseulés.

Toutes conditions qui empêchent le THÉÂTRE d’être le THÉÂTRE.

Celui que nous connaissons.

Celui que nous aimons.

Cette année, nous rêverons le 1er juin.

Nous le rêverons intime et familier,

Nous le lirons entre nous

Nous le partagerons à travers des écrans en faisant semblant de nous tenir par la main

Nous le crierons solitaires sur les places publiques

Nous nous écrirons des répliques par texto

Nous nous téléphonerons des monologues

Nous ferons une chaîne de dialogues

Et nous le garderons plus vivant que jamais jusqu’à l’année prochaine.

Nous le garderons charnel et chaleureux

Pour qu’il vive encore

Plus fort et solidaire en chair et en os

Vingt autres siècles."

                                                                                                                Suzanne Lebeau